Nous avons interrogé des spécialistes pour tenter de décrypter le sens caché de quelques une de ces phrases envoyées aux enfants « à la va-vite » et souvent à répétition. Attention! Ces avis de psychiatres ou de psychologues ne sont ni des recettes ni des sentences définitives mais juste des clés pour mieux comprendre.
Interrogeons-nous sur les interdits que nous posons à nos enfants. Que véhiculent-ils? Ils peuvent transporter notre peur- celle que notre enfant se blesse – même si le danger n’est finalement que peu élevé. « Les interdits sont extrêmement importants » souligne le docteur Philippe Wallon (1). « Sans eux nous serions en face de toutes nos pulsions inconscientes et beaucoup sont extrêmement dangereuses. Mais ces interdits doivent être véhicules de liberté, c’est-à-dire qu’ils ne doivent mettre en garde que contre les dangers réels, que l’enfant doit pouvoir éprouver, ne serait-ce qu’à minima. »
L’enfant qui entend cette phrase entend d’abord l’angoisse du parent.
Difficile ensuite de « braver le danger », épreuve pourtant nécessaire pour progresser. Pour apprendre à marcher, à courir, à grimper, ne doit-elle/il pas se lancer, hésiter, trébucher? Pour comprendre le danger du feu, ne doit-elle/il pas approcher sa main de la chaleur? Vouloir éviter aux enfants les échecs, c’est nier leurs vertus pédagogiques. Et les parents surprotecteurs ne pourront maintenir leur enfant sous cloche trop longtemps.
Dire plutôt
Préférer dire: « Si tu fais cela, tu peux te faire mal. On prévient ainsi son enfant du danger éventuel encouru mais on lui laisse la possibilité de le tenter. Le parent ne l’enferme pas dans sa propre peur paralysante. Et si, par hasard, l’enfant rate son coup, résistez encore à prononcer la phrase suivante, directement liée: « On t’avait bien prévenu! »
Après tout ce qu’on a fait pour toi…
En retour de « tout » ce que vous donnez à votre enfant, vous attendez sans doute une réciproque. Cela a pour effet de le/la culpabiliser. Le parent donne de son plein gré, mais l’enfant doit se conformer au désir de ses parents et s’employer à ne pas les décevoir. Poussé à l’extrême, cela sous-entend que l’enfant doit se comporter comme le souhaitent ses parents mais pas forcément comme lui ou elle souhaiterait être. Pourtant, ses goûts, ses souhaits, ses erreurs, il/elle doit les vivre pour grandir.
Doit-il/elle pour se réaliser, apprendre à mentir? « L’enfant découvre que la relation d’amour ne met pas à l’abri de la solitude », écrivent J. Aussenberg, S. Czernichow et B. Geberowicz (1). L’enfant découvre qu’il ne suffit pas de tout dire, que tout ne se partage pas avec l’être aimé. Il/elle apprend ici le sens de la séparation, la dissimulation des pensées. Il/elle se découvre sujet séparé avec des idées auxquelles sa mère n’a pas accès, seul(e) avec elles. »
Dire plutôt
Si « après tout ce qu’on a fait pour toi… (soupir d’exaspération) » n’est pas une bonne formule, que dire de moins « enfermant »? « Lorsque tu te comportes comme cela, je ne suis pas d’accord/je ne suis pas content(e) ». L’enfant sait d’ailleurs très bien qu’il/elle a mal agi et sait aussi que son parent a vu qu’il/elle avait mal agi.
(1) Psychiatre et docteur en psychologie, auteur de La contagion affective, éd. du Dauphin, Paris, 2000.
(2) Julie Aussenberg, Suzanne Czernichow et Bernard Geberowicz – thérapeutes familiaux et auteurs de Heurts et malheurs de la vie familiale (Syros, 1997).
Les petites filles. Tout ce que vous devez savoir pour élever une fille aujourd’hui, David Laskin, (Stock), 1994, 130F.