L’amour maternel, une évidence ?

Dire qu’on aime son enfant semble aller de soi : l’amour maternel paraît toujours donné pour acquis, inné. Or avec L’amour en plus, Elisabeth Badinter avait déjà mis le doigt sur le fait que l’amour maternel n’est pas – et n’a pas toujours été – aussi naturel et instinctif qu’il n’y paraît. Jean-Pierre Relier, Professeur de pédiatrie à l’université René Descartes à Paris, et auteur d’Adrien ou la colère des bébés revient sur cette idée reçue …

Et déculpabilise celles qui pensent être de mauvaises mères.

Une mère est-elle  » obligée  » d’aimer son enfant ?

JP Relier. Physiologiquement, j’aurais tendance à dire oui. La grossesse est un état très particulier dans la vie d’une femme, même si les femmes sont « programmées » pour avoir des enfants. Le bouleversement hormonal qui se produit quand la femme est enceinte est tel qu’il implique un attachement « naturel » entre la mère et le foetus. Mais cette interaction peut être détruite si la mère refuse son état de femme enceinte, ne supporte pas de voir son corps se transformer.

On imagine aisément que ce « rejet » peut empirer lors de l’accouchement …

JP Relier. Beaucoup de femmes ne sont pas préparées à cette naissance, ou bien redoutent d’avoir mal. Elles sont nombreuses à demander une péridurale, qui endort certes la douleur, mais réduit aussi l’intensité de l’émotion quand l’enfant naît. Parfois, le « désamour » maternel va venir de cette naissance un peu tronquée …

Ce n’est pas un peu réducteur de lier le manque d’amour maternel aux seuls stades de la grossesse et de l’accouchement ?

JP Relier. Bien sûr. Il ya énormément d’éléments qui interviennent dans ce non attachement de la mère à l’enfant : une grossesse mal vécue, non seulement physiquement, mais moralement ou socialement. Une mère peut aussi idéaliser son enfant et être « déçue » quand il arrive. Certains baby blues, cette phase de dépression post-accouchement peuvent parfois atteindre des proportions dramatiques : il faut alors que la mère soit très soutenue par son conjoint et par sa famille, voire un psychologue. Enfin il ne faut pas perdre de vue que la maternité donne une acuité très forte à l’histoire familiale des parents : si ceux-ci ont eu une enfance difficile, s’ils ont été rejetés, pas reconnus, s’il y a eu des grossesses cachées, ou s’il y a des non-dits -pourtant insconscients- qui se transmettent de génération en génération, tout va ressurgir quand l’enfant naît.

Et comment éviter de reproduire le cycle infernal dans ces conditions ?

JP Relier. La seule façon de lutter contre ça, c’est de s’informer et de communiquer. Régler les problèmes de couple, ou familiaux quand il y en a. L’idéal est de ne jamais avoir une grossesse non désirée. « Tomber enceinte » – l’expression prend tout son sens- sans l’avoir voulu peut avoir de fâcheuses conséquences sur les relations mère-enfant plus tard. La vie avant la naissance ne commence pas à la fécondation, mais quand le désir d’enfant naît. Si ce non attachement arrive après la première naissance, la mère ne doit pas culpabiliser de ce manque d’amour, mais en parler, avec son conjoint, avec sa propre-mère ou sa belle-mère, et, au besoin, auprès d’un spécialiste.

POUR EN SAVOIR PLUS:

– L’aimer avant qu’il naisse. Le lien mère-enfant avant la naissance, Jean-Pierre Relier, éd. Robert Laffont

– Adrien ou la colère des bébés, roman, Jean-Pierre Relier, éd. Robert Laffont

– L’amour en plus, Elisabeth Badinter, éd. Flammarion ou Livre de Poche ( Jean-Claude Lattès).

– Eloge des mauvaises mères, Catherine Serrurier, éd. Hommes et perspectives.

– L’amour maternel, Paul Marciano, Spirale n°18, éd. Erès.