Ange, Jennifer, Carhartt, Oxyde, Prada… La garde robe des ados est truffée de marques. Futiles ? Loin de là ! Elles expriment leur différence, elles estampillent leurs semblables, elles définissent leur caractère en formation. Explications.
« J’aime porter des marques parce que c’est plus beau ! « , explique Cindy, 15 ans. A côté, sa copine Leslie avoue : « Mes amies, ils s’habillent comme elles veulent. Mais c’est vrai que c’est souvent comme moi ! » Dans l’univers des adolescents, le choix du nom inscrit sur l’étiquette du pull ou du pantalon n’est pas anodin. Et ce n’est pas qu’une coquetterie de filles … « Depuis 10 ans, grâce à toutes les marques de sport, les garçons s’y sont mis », note Stéphane Clerget, psychiatre. La marque, c’est d’abord l’expression de la différence. Pas question, en effet, de ressembler à des clones d’adultes. Le mieux, c’est de dénicher des marques secrètes, ignorées de la pub, connues des seuls ados. « Ils sont en permanence à la recherche de nouveautés. Ce sont eux qui lancent les modes », constate Stéphane Clerget. Dès que la tendance est récupérée par les adultes, on repart à la chasse pour être différent.
La marque de mon pantalon me détermine
On ne jette pas son dévolu sur une marque par hasard : « L’adolescent qui a du mal à se définir, s’attribue les qualités sous-jacentes de la marque véhiculées par la pub », analyse le psychiatre. On est cool en basket Nike, on est sexy en jupe Ange ou Diab’less, on est classe en ensemble Prada… ou on est ringard en pantalon Sergio Tacchini.
« Le look, ça compte, raconte Cindy. Si je trouve que quelqu’un n’est pas très bien habillé, à première vue je ne vais pas le voir ». A l’adolescence, les jugements de valeur sont encore un peu rapides. Alors, les marques sont bien pratiques car elles désignent nos semblables. « Il y a un très grand besoin de s’apparier, commente Stéphane Clerget. Etre avec des gens qui nous ressemblent permet de se sentir moins seuls. C’est un moment où l’on se différencie de ses parents, mais cet éloignement fragilise ». Selon lui, la marque donne aussi une stabilité, car ils ont souvent l’inquiétude de ne plus être eux-mêmes le lendemain. Mais tout le monde n’accorde pas autant d’importance aux noms sur l’étiquette de son t-shirt. Certains se plaignent de cette dictature et forment un groupe à part. « Ceux-là expriment une maturité par ce détachement par rapport au paraître. Ils sont plus indépendants, moins suggestibles « , explique le psychiatre.
En savoir plus
- Adolescents, la crise nécessaire, Stéphane Clerget, éd.Fayard