Que signifient nos fantasmes? Le fantasme de viol

Typiquement féminin, ce fantasme serait l’un des plus répandu. Et celui dont la survenance dans la réalité serait particulièrement redoutée! Quelques pistes pour mieux comprendre…

« Petite, j’imaginais des scénarios où j’étais une pauvre petite Cosette élevée par des tuteurs sans pitié, explique Mathilde, 27 ans. J’ai toujours eu des fantasmes où je suis en situation de victime et j’aime surtout imaginer qu’on me prend de force ». Professeur de français, Mathilde est particulièrement à l’aise pour parler de sa vie sexuelle. Elle fréquente son partenaire actuel depuis plus de deux ans et dit s’entendre merveilleusement bien avec lui au niveau sexuel. « Mon jeu favori depuis quelques mois c’est: montre-moi comment tu fais quand je ne veux pas ». Dès que la formule magique est lancée, Mathilde « décolle »: « Je veux qu’il m’utilise comme un objet, un morceau de viande. Je veux me débattre, je veux qu’il m’ouvre les jambes, qu’il me pénètre de force. »

Jouer à la violence dans la sécurité du couple

Jouer à la violence dans la sécurité du couple

Typiquement féminin, le fantasme de viol est un classique, le favori des femmes à en croire beaucoup d’observateurs des pratiques sexuelles. « Evidemment, le viol n’est pas souhaité, tempère Gérard Oudin, sexothérapeute. Le viol en tant que tel, la violence physique, l’humiliation n’existent pas. Ces femmes « jouent » à la violence, mais tout se passe dans la sécurité de leur couple ».

Souhaiter n’est pas agir et ce fantasme cache rarement un réel désir: « Je n’ai jamais entendu une femme dire qu’elle aurait réellement voulu être violée », confirme l’auteur américain Nancy Friday qui étudie pourtant les fantasmes depuis plus de 25 ans.

Evacuer la culpabilité liée à la recherche du plaisir

Alors pourquoi « jouer » au viol? Tout simplement pour se dédouaner. Dans les confidences recueillies par l’Américaine, force est de constater que le sentiment de culpabilité est omniprésent chez les femmes: « Beaucoup craignent de passer pour des dévergondées, principalement aux yeux de leur propre mère ». Lorsqu’une éducation est trop stricte, que le sexe est tabou et le non-dit absolu, tout se passe comme si la mère continuait à être le juge de sa fille, la mettant en garde à chacune de ses rêveries sexuelles. Ces femmes ont pu développer à travers la masturbation une grande culpabilité et la notion de faute est chez elles très ancrée. Pour elles, le plaisir administré de force atténue le sentiment de culpabilité: le fautif, c’est l’autre, elles n’y sont pour rien. Contrôlée, la culpabilité est ainsi surmontée, et même canalisée pour donner plus de plaisir encore. « Dans le cas de Mathilde, on peut parler d’un « bon » fantasme, suggère le sexo-analyste Claude Esturgie (1). Il s’accompagne en effet d’une vie sexuelle épanouie et ne vient pas compenser une mauvaise sexualité ». Mathilde dit « décoller » une fois la formule « magique » lancée: le fantasme, le bon, permet en effet d’amplifier le plaisir, d’aller plus loin dans la sensation. « Mathilde sait ce qu’elle veut. Elle est d’ailleurs très précise puisqu’elle souhaite être à la fois dans l’opposition et la passivité. Son fantasme est assumé et bien vécu ».

(1) Docteur Claude Esturgie, sexologue, sexothérapeute et sexo-analyste affilié au syndicat national des sexologues et sexothérapeutes et président de l’Institut Français de Sexo-analyse, 3, boulevard F. Roosevelt, 33000 Talence.

EN SAVOIR PLUS:

A lire

  • Ils ne pensent donc qu’à ça? Maurice T. Madchino, éd. Calmann-Lévy.
  • Dictionnaire des fantasmes érotiques, Alain Héril, éd.Morisset, (1996), 14 Euros
  • L’empire des femmes, Nancy Friday, Albin Michel, 1993.