La kleptomanie: un désir d’accumulation… pour rien

La kleptomanie

Sujet peu abordé dans la littérature clinique, la kleptomanie est une pathologie qui peut conduire aux portes de la délinquance, et crée un véritable malaise dans l’entourage du malade.

Le kleptomane (ou cleptomane) évoque le calvaire du mythe de Sisyphe, condamné à remonter sans cesse un rocher sur le haut d’une montagne, rocher retombant aussitôt sous son propre poids. Le kleptomane prend constamment le risque du vol, pour des objets qu’il laisse ensuite retomber et regarde à peine: « L’objet dérobé présente le plus souvent un caractère inutile et futile, car c’est plus la conduite, l’acte qui comptent, que l’objet volé lui-même », explique Jean-Pierre Royol, docteur en psychologie et psychopathologie cliniques.

Définition

La kleptomanie

La kleptomanie se caractérise par une impulsion régulière à voler, indépendamment de tout besoin économique et de tout désir conscient de s’approprier l’objet. Le sujet cède à un besoin irrépressible qui met fin à une lutte douloureuse entre sa conscience et cette obsession. Du point de vue de la psychanalyse, l’objet volé est investi symboliquement d’une grande valeur érotique, le vol pouvant signifier la réparation d’un deuil ou d’une séparation, dont souffre inconsciemment le patient.

Symptômes repérables

Selon le mini DSM-IV, critères diagnostiques, la kleptomanie (classée parmi les troubles du contrôle des impulsions) se définit par cinq paramètres:- Impossibilité répétée de résister à l’impulsion de voler des objets qui ne sont dérobés ni pour un usage personnel ni pour leur valeur commerciale.- Sensation croissante de tension juste avant de commettre le vol.- Plaisir, gratification ou soulagement au moment de commettre le vol.- Le vol n’est pas commis pour exprimer la colère ou la vengeance, ni en réponse à des idées délirantes ou des hallucinations.- Le vol ne s’explique pas par un trouble des conduites, un épisode maniaque ou une personnalité antisociale.

Evolution

Le comportement répétitif de vol peut entraîner des conséquences judiciaires. « Les objets volés sont le plus souvent collectionnés, et l’appartement du kleptomane finit parfois par ressembler à une véritable caverne d’Ali Baba, analyse Jean-Pierre Royol. Certains préviennent eux-mêmes la police pour être perquisitionnés et débarrassés de ces objets, mais recommencent immédiatement leur chasse à l’objet. Cette compensation ponctuelle calme l’angoisse liée au manque, mais le fait que cette série d’objets concrets échoue à colmater ce vide affectif ou sexuel conduit le sujet à entrer dans un cercle vicieux et sans limites ».

un désir d'accumulation... pour rien

Population à risque

Il n’y a pas de groupe particulier (jeunes, hommes ou femmes), qui corresponde plus qu’un autre à ce profil. Le kleptomane est victime d’une série de troubles de conscience, qui tournent autour du sentiment de culpabilité et de réparation, ancrés dans l’inconscient de son histoire personnelle.

Solutions thérapeutiques

Le psychanalyste Sandor Ferenczi, contemporain de Freud, compare la kleptomanie à l’alcoolisme et à d’autres toxicomanies. Selon lui, on ne peut considérer un kleptomane guéri du seul fait qu’on parviendrait à le détourner du vol. Il faut dévoiler et neutraliser les mobiles psychiques de ce besoin compulsif, qui peut masquer une vie sexuelle ou amoureuse perturbée. « La kleptomanie n’est pas généralement un symptôme isolé, mais s’inscrit dans un tableau névrotique plus ou moins grave. Le seul moyen de sortir de cette boucle infernale est une prise en charge en psychothérapie analytique », confirme Jean-Pierre Royol. Mettre en scène par la parole sa propre histoire, pour ne plus passer à l’acte, telle parait donc être la solution…

Pour approfondir votre compréhension, consultez également notre article sur : Comprendre et combattre le traumatisme

En savoir plus:

  • Psychanalyse IV, 1927-1933, article intitulé « Présentation abrégée de la psychanalyse », Sandor Ferenczi, Payot (1982), 29E. Une approche analytique du phénomène, dans un ouvrage de cadre général qui ne fait qu’évoquer la kleptomanie.
  • Mini DSM-IV, critères diagnostiques, Masson (1996), 120 F.
  • Dictionnaire de psychiatrie et de psychopathologie clinique, Jacques Postel, Larousse (1998).