Sexe: quand les jurons excitent

« Chienne », « salope », « putain »: autant dire que ces jurons n’ont rien de sexy. Et pourtant… Pour beaucoup d’hommes et de femmes, rien de tel pour mettre un peu de piquant dans une relation. C’est en tout cas une source d’excitation importante pour Jocelyne (1) et son partenaire. Elle s’explique.

Je suis un peu gênée à l’idée de parler de ça », lance Jocelyne. Architecte de profession, cette femme de 33 ans s’est aperçue qu’elle aimait s’entendre dire des mots crus lors du coït depuis qu’elle a rencontré Franck. « Nous sommes ensemble depuis quatre ans et, dès le début, notre entente sexuelle était fabuleuse. Sexuellement, il est plutôt dominant et moi soumise et c’est souvent lui qui mène le jeu. Il peut me demander de me donner à lui quand il le veut et moi je m’exécute. Dans ce jeu qui s’est instauré tout doucement, il a commencé à me lancer de tendres jurons. Et puis, plus il m’injuriait, plus il s’excitait. Aujourd’hui, il peut me traiter de tous les noms en jouissant puis, apaisé, me caresser doucement les cheveux et me susurrer des mots tendres à l’oreille. Un jour, il m’a prise en levrette et m’a soufflé: « Je te baise comme une chienne ». J’ai fantasmé sur cette phrase pendant une semaine.  » Madone et putain

Sexe

Beaucoup d’hommes apprécient le fait de dire des « cochonneries » pendant l’acte. Souvent, c’est en rapport avec leur pénis. Pour exemple, on peut se reporter aux richissimes dialogues des films porno où les phrases du type « Est-ce qu’elle est assez grosse pour toi? »pullulent. Souvent aussi, ces jurons sont en lien direct avec « maman »: « C’est à leur mère que ces hommes s’adressent, confirme l’auteur Joyce McDougall (2). A celle qui est autant putain – elle couche avec le père – que madone. Ils la couvrent d’injures pour la punir. Bien sûr, la femme qu’ils tiennent dans leurs bras n’y est pour rien. »

Ainsi, pour des hommes en lutte avec leurs fantômes, la femme a besoin d’être dépréciée pour être désirée. Car ceux qui aiment leur femme dans une sorte d’idéalisation absolue (comme la mère) ne la désirent pas. Sur le sujet, Freud était d’un catégorisme absolu: « Là où les hommes aiment, ils ne désirent pas, et là où ils désirent, ils n’aiment pas. » Mais l’homme (trop ou mal) amoureux a trouvé la parade pour exciter son désir: rabaisser la femme qu’il aime, la mépriser, la traiter de putain.

Heureusement, l’homme n’est pas le seul à jouer ce jeu. A l’image de Jocelyne, force est de constater que beaucoup de femmes apprécient ce vocabulaire humiliant. Aimer s’entendre dire « salope » est une sorte de masochisme verbal. Pour le sexo-analyste Claude Esturgie (3), « on peut aussi imaginer l’émergence d’un fantasme de prostitution extrêmement fréquent chez la gent féminine. Telles des prostituées, ces femmes aiment jouer avec l’idée qu’elles sont hyper-sexuées et qu’il faudra payer pour les avoir. »

Notes:

1. Prénom changé à la demande de l’intéressée.

2. Joyce McDougall, Eros aux mille et un visages, éd. Galimard, 1996.

3. Claude Esturgie, président de l’Institut français de sexo-analyse (IFS).