Le fétichisme du pied

Le fétichisme du pied

Le « must » pour un fétichiste du pied: qu’une femme le masturbe avec son pied. L’analyse de ce fantasme masculin.

Je suis un fétichiste du pied, annonce d’emblée Michel, 32 ans, rencontré dans une soirée privée d’amis adeptes du fétichisme et du SM. J’aime les pieds nus, les chaussures, les bottes à hauts talons et tout ce qui relève du pied féminin. Le « must » pour moi est de me faire masturber par ma partenaire avec son pied: elle me caresse les testicules et me saisit le sexe entre ses deux pieds nus. J’aime aussi me rouler par terre tandis que j’imagine ma partenaire, totalement nue, me marcher dessus avec ses talons hauts ». Physicien, Michel suit une thérapie depuis deux ans. Il prend beaucoup de distance par rapport à ses penchants et les analyse volontiers: « Le lien avec mon enfance me semble assez évident: en guise de remontrance, ma mère me donnait – jusqu’à l’âge de 13/14 ans – des coups de pieds entre les fesses et sous les testicules! A chaque fois cela me procurait un plaisir intense. »

Un fantasme qui trouve son origine dans les peurs de la petite enfance

Fétichiste, Michel projette son désir érotique non pas sur un homme ou une femme (objet global) mais sur un pied ou une chaussure (objet partiel). C’est un mouvement restrictif de la sexualité, une dérobade. Car un fétiche présente beaucoup moins de danger qu’une personne et est surtout moins difficile à conquérir. Les explications psy du fétichisme sont légion. Même si elles se contredisent parfois, toutes s’accordent à dire que ce fantasme remonte à la petite enfance. La théorie classique axe son explication sur le complexe d’OEdipe. Pour Freud, le fétiche se lie dans l’esprit de l’enfant à son pénis. Voulant séduire la mère, il redoute la punition suprême du père: la castration. Remplacer son pénis par un fétiche c’est s’assurer que son sexe ne sera pas abîmé.

Du fétichisme du pied à la perversion

Winicott et l’école anglaise de psychiatrie apportent une autre explication. Le fétichisme s’enracine à une époque où la séparation d’avec la mère est vue comme la mort elle-même. De même que l’enfant suce son pouce pour se rassurer, le fétichiste s’arme contre sa peur en serrant contre lui l’objet de sa dévotion. Le fait que le pied ou la chaussure féminins sont très souvent choisis pour fétiche appuie cette thèse: au niveau de vision de l’enfant, quand il court se réfugier à quatre pattes auprès de sa mère, c’est d’abord sa chaussure qu’il peut saisir.

Du fétichisme du pied à la perversion, n’y a-t-il qu’un pas?

Ces théories n’expliquent pas totalement les penchants de Michel: « Tout comme il n’y a pas de clé des songes, il n’y a pas de clé des fantasmes, pas de grille de lecture générale, explique le sexologue Claude Esturgie (1). Il faut toujours replacer le fantasme dans le contexte très personnel d’une personne. Dans le cas de Michel, outre le fétichisme, existe aussi une pulsion sadomasochiste: il a transformé une certaine souffrance – le mauvais traitement de sa mère – en jouissance. Son inconscient a réagi à l’humiliation en la transformant en triomphe: c’est une revanche ». Michel dit assumer son penchant et assure que son fétiche ne fait qu’ajouter des épices à sa vie sexuelle. Avant tout, c’est la femme qu’il veut. « Mais un pas de plus et il risque de tomber dans un fétichisme total », prévient Claude Esturgie, c’est-à-dire un carcan, une érotisation atypique, une perversion où le fétiche devient indispensable à l’excitation. Certains fétichistes peuvent même se contenter du seul objet pour s’exciter sans qu’aucune femme ne soit présente. Ils peuvent rentrer chez eux et se coucher… avec une paire de chaussures.

(1) Docteur Claude Esturgie, sexologue, sexothérapeute et sexo-analyste affilié au syndicat national des sexologues et sexothérapeutes et président de l’Institut Français de Sexo-analyse, 3, boulevard F. Roosevelt, 33000 Talence.

EN SAVOIR PLUS:

A lire

  • Ils ne pensent donc qu’à ça? Maurice T. Madchino, éd. Calmann-Lévy.
  • Dictionnaire des fantasmes érotiques, Alain Héril, éd.Morisset, (1996), 14 Euros
  • L’empire des femmes, Nancy Friday, Albin Michel, 1993.