« Attachée, je suis à la merci d’un groupe d’hommes »: et alors? Analyse d’un fantasme plus répandu chez les femmes que chez les hommes.
Main dans la main, Christophe et Anaïs, 25 ans, sortent d’un sexe shop parisien. La jeune femme tient un sac plastique à la main. A l’intérieur: des cordes de chanvre, d’autres en coton. « Pour une fois, ce fantasme est le mien, avoue Anaïs en souriant à son partenaire. J’ai longtemps rêvé qu’on m’attachait les mains et les pieds avant de me faire l’amour. Jambes repliées et légèrement écartées, je me rêvais à la merci d’un groupe d’hommes qui se disputaient pour entrer en moi les premiers. Depuis peu, nous sommes passés à l’acte: Christophe m’a déjà plusieurs fois attachée et nous sommes venus ici nous procurer un matériel… adéquat », lance la jeune femme en étouffant un rire gêné.
Attachée, on n’est plus responsable… ni coupable
A l’entendre, le « bondage » – pratique sexuelle où l’on empêche son partenaire de se mouvoir – offre bien des avantages: la soumission réelle ou simulée au désir de l’autre lève les inhibitions et atténue le sentiment de culpabilité des individus à l’éducation trop stricte. On peut ainsi jouir sans se sentir responsable des sensations éprouvées. Un fantasme par conséquent plus fréquent chez les femmes qui ont plus de mal à assumer leur sexualité.
Anaïs s’est documentée sur le sujet: » Certains tirent sur leurs liens, se débattent, jusqu’à ce qu’une sécrétion d’adrénaline les mène à l’euphorie ou à une sorte d’état hypnotique ».
L’étudiante rattache ce fantasme à un souvenir d’enfance: « Je me souviens d’un épisode chez les scouts alors que je devais avoir environ 8 ou 9 ans. Cela s’est passé lors du grand jeu d’été: nous étions séparés en deux camps rivaux. Le soir, nous devions nous relayer pour faire le guet afin de prévenir une attaque de nos adversaires. Une nuit, j’étais de veille et je me suis endormie. A mon réveil, j’étais attachée à un poteau et mes partenaires tentaient une attaque pour me libérer ». Cette scène est restée gravée dans son esprit et marque selon elle la genèse de ses fantasmes actuels. Un avis qui n’est pas totalement partagé par le sexo-analyste Claude Esturgie (1): « Cet épisode alors qu’elle était à peine pré-adolescente a pu déclencher un élément érotique, analyse-t-il. Mais l’origine de ce fantasme doit être bien plus profonde. Le besoin de contrainte devait déjà être présent au moment où ce jeu s’est déroulé ». D’autant que le fantasme d’Anaïs en cache un autre: celui d’être à la merci d’un « groupe d’hommes ». Ils la convoitent tous en même temps, se « disputent » pour l’avoir, sont tellement excités qu’ils ne peuvent se retenir! « Il s’agit d’un fantasme féminin très fréquent, analyse le psy. La femme s’imagine ainsi être extrêmement désirable. Doutant de son physique, de sa féminité ou de son identité sexuelle, cette femme a certainement besoin d’être rassurée et compense par ses fantasmes ». Le fait d’imaginer des hommes se quereller pour la pénétrer est plus que gratifiant et permet à Anaïs de se rassurer.
(1) Docteur Claude Esturgie, sexologue, sexothérapeute et sexo-analyste affilié au syndicat national des sexologues et sexothérapeutes et président de l’Institut Français de Sexo-analyse, 3, boulevard F. Roosevelt, 33000 Talence.
EN SAVOIR PLUS:
A lire
- Ils ne pensent donc qu’à ça? Maurice T. Madchino, éd. Calmann-Lévy.
- Dictionnaire des fantasmes érotiques, Alain Héril, éd.Morisset, (1996), 14 Euros
- L’empire des femmes, Nancy Friday, Albin Michel, 1993.