Il y a 20 ans les femmes occidentales fantasmaient sur Sean Connery, la virilité incarnée. Aujourd’hui, elles flashent sur Leonardo di Caprio, plus féminin et quasiment imberbe. Le fait est avéré: les canons de beauté varient d’une époque et d’une région à l’autre. Les orientaux aiment les femmes frêles, les occidentaux les apprécient plutôt grandes et minces et les Africains les préfèrent bien en chair. Plus surprenant, ces différences géographiques se retrouvent dans nos fantasmes et nos pratiques sexuelles.
Tabou… et excitant
L’interdit social joue un rôle important dans l’ébauche d’un fantasme à l’échelle nationale. « Chez les peuples occidentaux, on érotise précisément ce qui est tabou, indique Michel Dorais, professeur à l’Université de sciences sociales de Laval au Québec (1). « En gros, plus c’est interdit et plus c’est excitant et donc meilleur« . Car transgresser l’interdit permet de cultiver un sentiment de culpabilité parfois nécessaire au plaisir. « Au Québec la sodomie semble peu pratiquée« , reprend l’universitaire. « Alors qu’aux Etats-Unis – pays voisin et très proche culturellement -, il s’agit d’une pratique courante« . Pourquoi? Parce que la pénétration anale est toujours considérée là-bas comme un acte contre nature, passible, dans certains états du sud, d’une peine de prison.(1) Auteur de Tous les hommes le font, La mémoire du désir, Ca arrive aussi aux garçons et Eloge de la diversité sexuelle chez VLB Editeur.
Héritages ancestraux ?
Outre l’interdit, le contenu de nos fantasmes descendrait de moeurs culturelles ancestrales. Au Japon, le succès des mangas érotiques dont les héroïnes ont des visages de petites filles – et l’étendue de la prostitution de collégiennes ou de lycéennes – pourraient être liés à une tendance ou une tradition pédophile dans cette société. C’est en tous cas ce qui ressort du Dictionnaire des fantasmes et perversions (Bibliothèque Blanche): « Certaines sociétés admettent la pédophilie. Les anciens Japonais appréciaient les fillettes parfois âgées de 4 ans, qui pratiquaient des fellations sous la table d’un repas. Ces enfants achetées à leurs parents incapables de les nourrir. » De plus les Japonais apprécient très peu la pilosité. Les sexes souvent glabres des jeunes femmes dans les médias érotiques évoquent des corps de filles pré-pubères. L’oeuvre de l’artiste contemporain japonais Araki, qui puise son inspiration dans des aspects sordides du sexe (exploitation sexuelles, prostitution de mineures, pédophilie) alimente aujourd’hui la controverse.
Séismes historiques
Un traumatisme frappant une société entière peut aussi générer des fantasmes à l’échelle d’un pays. Toujours au Japon, de nombreuses publications développent le thème de l’acrotomophilie, excitation à l’idée d’avoir des relations sexuelles avec une personne amputée. D’après des études récentes, cette tendance s’expliquerait par les ravages des dernières guerres. Il recouvrerait à la fois l’envie de secourir un handicapé jointe à la peur de se retrouver dans cet état. C’est dire si, souvent, les fantasmes sont délectables alors même qu’on ne pourrait supporter leur réalisation. C’est le cas des jeux SM dits « politiques ».
Ainsi, certains juifs sont grisés à l’idée de se retrouver enfermés, interrogés et dominés par un personnage habillé en SS; certains noirs de leurs côtés sont excités à l’idée de retourner, le temps d’une séance, à l’état d’esclavagisme. C’est ce qu’a révèlé « Le fouet de Pandore », un documentaire de Nick Broomfield sur un club sado-maso newyorkais (diffusé sur Arte le 12 septembre 2000).
Il n’est plus rare que les jeunes filles blanches de bonnes familles préfèrent un partenaire noir cherchant inconsciemment à soulever une indignation sociale maximale. Mais les études scientifiques récentes ne parviennent pas à expliquer toutes les différences nationales: « Avec l’apparition du Sida, les études sur la sexualité se sont largement développées, explique Michel Dorais pour qui l’on observe des différences parfois surprenantes. »Au Québec par exemple, ceux qui parlent français se considèrent plutôt satisfaits sexuellement alors que ceux parlant anglais se disent moins satisfaits« . Un mystère dont les francophones peuvent se féliciter !