Quel est le vrai rôle du père ?

A quoi sert donc un père ? Doit-il rester en retrait ou s’investir très tôt dans les relations au bébé ? Entretien avec Jean Le Camus, psychologue, spécialiste du développement de l’enfant et auteur de Le vrai rôle du père (éd. Odile Jacob).

Dans votre livre, vous évoquez beaucoup le statut du père, son rôle, en montrant principalement que le père n’est pas qu’un séparateur entre la mère et l’enfant. Pourquoi?

Pour ma part, je ne parle pas de  » séparateur « , car ce terme appartient au registre d’un courant bien particulier de la psychanalyse. Je dirais plutôt que c’est le premier  » Autre « , et cela rejoint l’idée de la triangulation précoce. Le père est cet Autre, de l’autre sexe que la mère. Il a une position de tiers. Cantonner le père dans un rôle de séparateur le ramène souvent à une dimension trop symbolique. Il y a là le risque d’enfermer le père dans une fonction qui s’exerce plus à travers une image et un nom qu’à travers des actes inscrits dans la vie quotidienne.

Vous incitez les pères à être plus dans l’agir de leur paternité?

Tout à fait. J’incite les pères à être présents le plus tôt possible à côté de la mère, dans le partage des soins, du jeu, de l’éducation première de l’enfant et donc d’être dans un rôle de participation, ce que j’appelle l’implication des pères. Mais pas seulement à partir de 18 mois – comme l’avaient préconisé certains psychiatres ou psychanalystes qui disaient fermement qu’il y un âge de la mère, puis un âge du père – mais le plus tôt possible, dès la phase d’attente et d’accueil de l’enfant, dans une contribution d’acteur, dans une dimension de partage. Voilà ce que j’entends par implication précoce, et c’est l’élément central de mon livre.

A l’heure actuelle, la société favorise-t-elle vraiment l’expression et le développement de la paternité? Le père est-il reconnu? L’image du père n’est-elle pas encore principalement associée au père qui se désiste, abandonne…?

L’image est encore globalement négative, c’est vrai. Le père est souvent vu comme celui qui ne se soucie de son enfant que quand il commence à marcher, qui s’échappe en cas d’anomalie, qui ne revient pas après le divorce, etc. Mais il y a aussi de plus en plus de pères qui vont aux échographies et qui assistent à l’accouchement ( 80%), des pères qui participent aux soins… La paternité est perçue comme à facettes multiples, et c’est difficile de répondre à cette question à ce niveau là… Ce qui est sûr, c’est que les femmes attendent de leurs compagnons qu’ils s’engagent le plus tôt possible dans leur rôle de père, au niveau des soins, des tâches quotidiennes… Mais les mentalités bougent, on est en pleine mutation…

Justement, pensez-vous qu’à l’heure actuelle, les pères ont envie de s’impliquer?

En ce qui concerne les premiers temps de la vie de l’enfant, il est certain que les pères ont de plus en plus conscience qu’ils ont une place à prendre, sans perdre leur masculinité, leur virilité. Ils sont de plus en plus nombreux à prendre cette place, c’est-à-dire à être là d’emblée, à coté de la mère en participant aux soins, au jeu… Ce fait est relevé par les sociologues. Mais il y a aussi l’autre revers de la médaille. Il y a de plus en plus de divorces, de familles monoparentales, recomposées, etc….ce qui fait que le problème de société que beaucoup de travailleurs sociaux ont relevé, c’est-à-dire l’absence du père, est aussi une réalité. Plus de la moitié des pères ne revoient plus leurs enfants après un divorce par exemple. C’est un problème de société qu’il nous faut regarder en face et tenter de résoudre…