Les pères et leurs filles

Depuis quelques décennies, les travaux des psys sur la paternité se sont multipliés et soulignent l’importance du modèle masculin dans la construction de l’enfant. Mais quelle est précisément la nature des liens qui unissent une fille à son père… de la naissance à l’âge adolescent en passant par la période oedipienne ? L’éclairage de nos experts…

Chouette, c’est une fille!

Pour la plupart des futurs pères, le désir d’avoir une fille ou un garçon reste une question complexe. Mais nombreux sont ceux qui appréhendent la venue d’un garçon… Pour quelles raisons ? Quelques pistes avec nos experts…

 » Peur du garçon « 

« Je ne connaissais pas le sexe de mes deux enfants avant leur naissance »,raconte Jannick, 35 ans, père de deux filles. « Mais en mon for intérieur, je désirais des filles. Le sexe masculin me fait peur. J’ai été élevé par des femmes, je n’ai pas eu de modèles masculins autour de moi. J’avais une peur panique d’être obligé de me comporter en mec face à un petit garçon. Je me suis un peu calmé à présent. Si j’avais une troisième fille, je serais ravi, mais avoir un garçon m’effraie moins qu’avant. »

Accéder à sa part féminine

La mosaïque des histoires des pères conditionne l’appréhension ou au contraire la joie d’avoir une fille. L’angoisse de Jannick à l’idée d’avoir un garçon peut se retrouver dans tout autre cas de figure. Ainsi Guy, 50 ans, consultant en formation, troisième d’une fratrie de quatre garçons, élevé en internat militaire de garçons se souvient de son « soulagement » au moment de l’arrivée de sa fille, aujourd’hui âgée de 16 ans : « Avoir une fille constituait une revanche sur ce que j’avais vécu. C’était un peu la petite soeur que je n’avais pas eue : une ouverture d’horizon « . Dans quelques mois, Guy sera à nouveau papa, et ne connaît pas le sexe de l’enfant mais témoigne, comme Jannick, de son appréhension d’avoir un garçon : « L’idée d’avoir un petit garçon se pose en terme de peur et non d’envie. Avec ma fille, nous avons une sensibilité commune. Je ne sais pas bricoler, je ne travaille pas le bois… J’aurais aimé partager ce genre de choses avec un garçon. Je dois penser qu’avec une fille on discute plus qu’avec un garçon. »

Elever une fille : moins difficile ?

Ainsi, pour Jannick comme pour Guy, la part d’inconnu que représente le sexe féminin ne semble pas les effrayer: « Pour certains hommes, il me semble qu’au contraire, avoir une fille peut paraître plus rassurant », estime le psychiatre Patrice Huerre. « Les enjeux sont moins importants, le père peut aussi être plus à l’aise avec l’image qu’il donne et moins avoir l’impression de se reconnaître dans son enfant ». « Chaque père fait un investissement personnel de son enfant mais j’observe tout de même des similitudes entre certains pères », explique la pédiatre Guénolée de Blignières-Strouk. « Je pense à des hommes timides, des tendres. Des hommes qui ne se sentent pas forcément armés dans la vie. Je les vois complètement soulagés de se retrouver en face d’un bébé fille et de ne pas devoir, justement, être obligés de se comporter en machos. Ils se laissent aller à la tendresse avec bonheur et acceptent de se montrer vulnérables… « . Cela n’empêche d’ailleurs pas ce type de père de se montrer fermes et déterminés, lorsqu’il le faut. La pédiatre relate l’exemple d’un père, timide et complexé, qu’elle a découvert clair et rassurant lorsque sa petite fille est tombée malade.

Il y a bien une troisième voie, celle d’une reconnaissance et d’un partage…

EN SAVOIR PLUS:

-Sans père et sans parole, la place du père dans l’équilibre de l’enfant et Et l’enfant créa le père, Didier Dumas, Hachette Littérature, 1999 et 2000

– Une place pour le père, Aldo Naouri, Seuil,1992