Les dépensiers compulsifs : profil

Ce n’est pas parce qu’on a dégainé la carte bleue tout le samedi en faisant du shopping entre copines qu’on est forcément une dépensière compulsive. Acheter, se faire plaisir, n’a rien en soi de pathologique… A condition de ne pas dépasser certaines bornes, et d’éviter de se retrouver systématiquement à découvert. Michel Lejoyeux, psychiatre et co-auteur de « La fièvre des achats » avec Jean Adès (éditions Les Empêcheurs de penser en rond) fait le point.

Qu’entend-on précisément par dépensier compulsif ?

Michel Lejoyeux. Les acheteurs compulsifs sont des personnes qui ont une envie irrépressible d’acheter. Pas seulement pour se faire plaisir de temps en temps, mais régulièrement et dans des proportions qui excèdent leurs capacités financières. Contrairement aux collectionneurs, qui vont acheter un type précis d’objet et qui les conservent, les acheteurs compulsifs peuvent tout aussi bien se débarrasser de ces mêmes objets plus tard, objets que par ailleurs ils ont peu pris le temps de choisir et dont ils regrettent bien souvent l’acquisition. Très souvent, ce trouble est associé à un problème alimentaire, comme la boulimie, ou à de l’anxiété ou des troubles de l’humeur.

Y a-t-il un « portrait-type » du dépensier compulsif ?

dépensier compulsif

M. L. Tout à fait. L’acheteur compulsif est en général une femme – dans 9 cas sur 10 – souvent mariée, ayant un bon niveau d’études et social. Ce sont des personnes qui utilisent majoritairement la carte bleue, un mode de paiement facile, immatériel donc déculpabilisant et dont les achats se portent essentiellement vers une consommation du paraître. Vêtements et chaussures sont donc les principales sources de dépenses, mais cela peut aussi être les voitures ou tous les produits liés au corps : vitamines, crèmes, soins. Dans tous les cas, ces achats répondent à un mal-être et permettent de déplacer l’angoisse.

L’argument est de cet ordre : « En achetant cette jupe, je vais paraître plus sexy, moi qui me trouve laide ». Ou bien encore :  » Ces soins corporels vont rendre mon corps plus séduisant, plus fort ».

Ces achats excessifs sont donc dus à des troubles psychologiques ?

M. L. J’aurais tendance à prendre des précautions avec la terminologie. Je ne parlerai pas de pathologie mais d’expression d’un mal-être. Les dépensiers compulsifs rentrent d’ailleurs souvent dans un cercle vicieux : plus ils dépensent, plus ils culpabilisent, et donc plus ils achètent. Je ne vais pas dire qu’ils sont malades en plus ! Il est de toute façon difficile de donner une explication unique à ces troubles. Le dénominateur commun, c’est que très tôt s’est inscrite dans le référentiel de ces personnes l’idée qu’on peut acheter ce que l’on est. Ou plutôt ce que l’on veut être. Ces personnes achètent non pas des objets, mais une possibilité d’accéder à une autre vie.

Pour en savoir plus:

  • La fièvre des achats, Michel Lejoyeux et Jean Adès, éd. Les Empêcheurs de penser en rond.
  • Les dépensiers compulsifs. Quand l’argent cache un mal-être, Loly Clerc et Romain Gubert éd. Anne Carrière.
  • Le dépensier compulsif et son envers inconscient, Marie Santiago Delefosse, éd. M. Gardoz, Anthropos.
  • Encore plus !: Jeu, sexe, travail, argent, Michel Lejoyeux et Jean Adès, éd. Odile Jacob.
  • Vaincre sa peur de la maladie, Michel Lejoyeux, éd. La Martinière.