Dans quel sens ça tourne ?
Université d’Austin, Texas. Le psychologue David Gilden, assisté de Christy Price, son talentueux étudiant diplômé, montrent à 48 étudiants sans défense (i.e non diplômés) des objets en mouvement, animés par de puissants ordinateurs. Réprimant à grand peine la nausée qui rapidement les gagne, nos malheureux étudiants regardent des objets s’éloigner et se rapprocher d’eux, s’élever vers le ciel pour retomber ensuite, jaillir de la droite puis disparaître et reparaître de la gauche et, torture des tortures, tourner, tourner, tourner… La lumière se rallume. Roulant des yeux impitoyables, Gilden demande : « alors ? ils allaient dans quel sens les objets ? ». Réponse des étudiants téméraires : « Ben… devant puis vers nous, en haut, en bas, de la droite vers la gauche… pis après ch’ais plus ». Pas moyen de se souvenir dans quel sens se déplaçaient les fameux objets tournants…
Si on ne s’en souvient pas, c’est parce qu’on s’en fout…
Les mouvements transversaux et rotatifs ont beau être saisis de la même manière par la rétine, être traités par la même zone du cerveau, ils ne sont pas stockés aussi longtemps par la mémoire. Cinq minutes après la visualisation, nous nous souvenons encore bien des mouvements transversaux, mais pour ce qui est des mouvements rotatifs, c’est le trou noir. Pas étonnant qu’on nous balance des spirales en mouvement pour nous hypnotiser…
D’après le très savant Dr Gilden, l’explication de cette curieuse découverte pourrait bien être simple si l’on se réfère à la théorie de l’évolution. Dans des temps reculés, il était de la plus haute importance pour nos ancêtres chasseurs de percevoir les mouvements transversaux de leur proie (de droite à gauche pour les crabes, de loin devant à trop près pour les buffles en furie, de bas en haut en bas pour les grenouilles à ressort). On ne peut pas dire, avance Gilden, qu’il y ait jamais eu pareil enjeu pour retenir les mouvements rotatifs (Devinette : qu’est-ce qui n’arrête pas de tourner et qui est important pour ta survie ? – Réponse : rien, faut bien le reconnaître). Et Gilden de conclure : « Apparemment, le traitement visuel n’est pas fonction de la complexité de l’image projetée sur la rétine, mais des conséquences pratiques de ce qui est vu ».
Eh bien on ne devrait pas !
Pour ceux qui en doutaient, Gilden n’est pas fou. S’il se livre à des expériences apparemment saugrenues, c’est qu’il a sa petite idée. Pensez aux accidents de voiture. Un coup de frein et c’est le tête-à-queue assuré. Si ce n’est pas un mouvement rotatif, ça ? Vous commencez à comprendre. D’après Gilden, il serait bon de familiariser les gens avec ce type de mouvements rotatifs pour leur permettre de redresser leur véhicule en ayant acquis les bons réflexes. Demi-tour frein à main, dérapage contrôlé, les moniteurs d’auto-école vont s’en donner à coeur-joie…